Par Benoît Pironneau
INDICES, excellent film documentaire de Vincent Glenn, nous interroge sur la richesse; sa définition, sa mesure et ses conséquences bien réelles sur nos vies… pour le meilleur et pour le pire!
De nos jours, le PIB (Produit Intérieur Brut) demeure encore et toujours l’indicateur de référence, celui qui en dernier ressort détermine une grande partie de nos choix: sans croissance du PIB point de salut!
Pourtant les paradoxes ne manquent pas. Schématiquement, le PIB mesure sans discernement l’ensemble des flux financiers générés par l’activité d’une Nation. Exemple. Le bon sens nous conduit à parler de la catastrophe de l’ERIKA.
Cependant, cette même catastrophe représente une aubaine pour l’augmentation du PIB… de part l’économie de réparation qui s’en suit. Inversement, tout le travail des bénévoles qui, dans un élan citoyen, se sont mobilisés pour nettoyer les plages n’est aucunement comptabilisé. Il ne vient pas gonfler le PIB. Sur un plan strictement économique, on peut même avancer que ce travail bénévole fait diminuer la richesse nationale puisqu’il aurait pu être effectué par des entreprises dûment rémunérées… Quelque chose ne tourne décidément pas rond.
Mais pourquoi diable a-t-on un jour associé croissance du PIB et Progrès de la société? Dominique Méda avance trois arguments qui se conjuguent au fil du temps:
* Le lien qui est établi entre démocratie et augmentation de la production à la suite d’Adam Smith;
* La volonté d’exhiber sa puissance;
* L’idée au XIXe siècle que le progrès, c’est de transformer la nature, la détruire.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que tout indicateur est performatif: il nous formate en même temps que nous tendons à optimiser notre performance. Autrement dit, un indicateur n’est pas neutre. Il transforme la réalité qu’il est censé mesurer. Mieux vaut donc les choisir avec soin, problème moins technique que politique.
Des deux constats précédents – PIB & Progrès et caractère performatif d’un indicateur – découle une conséquence immédiate: nous sommes conditionnés à la fois collectivement et individuellement par l’impératif de créer de l’activité économique… coûte que coûte.
Coodyssée, Coopérative d’Activités et d’Emploi, n’échappe pas à ce cruel dilemme. Comment pouvons nous remplir pleinement notre mission sans nous lancer dans une course effrénée au toujours plus? Comment convaincre nos partenaires et financeurs tout en prenant ouvertement une distance critique par rapport aux indicateurs purement économiques?
Vaste chantier qui a de quoi paralyser (ou rendre cynique). Heureusement, nous ne sommes pas seuls. Ce débat traverse l’ESS. À l’instar du Collectif F.A.I.R, des acteurs se mobilisent de longue date autour d’autres indicateurs de richesse. Des alternatives concrètes et opérationnelles existent. Elles ne demandent qu’à être développées et partagées. Pas de panique donc. Le 9 juin dernier à l’occasion de la journée « Coopératives et Territoires » dans le Queyras, Béatrice et Gérard Barras en ont apporté la preuve au travers de la formidable aventure de la scop ARDELAINE.
S’il est urgent d’utiliser et développer d’autres indicateurs de richesse, il est tout aussi primordial de ne pas soumettre « toutes nos actions, qu’elles soient marchandes, administratives, ou bénévoles à la dictature de l’évaluation quantitative systématique » [A.Caillé]. La sagesse de savoir apprécier tout ce qui fait que la vie vaut d’être vécue, n’est-elle pas d’accepter de ne pas tout mesurer, justement?
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